Langage du mythe vs langage de l'histoire

 

Vous trouverez ici un tableau qui propose quelques critères simples pour différencier le langage du mythe du langage de l'histoire : style langagier, type de vision globale, axiologie, acteurs (auteurs de l'action), utilisation des nombres, temporalité, point de vue, évolution du récit dans l'histoire, iconographie et séquences textuelles dominantes.

 

 

Par C. R.

Publié le 23/03/2022

Dernière modification le 02/10/2024

Le monument à Vercingétorix sur la place de Jaude à Clermont-Ferrand : une grandiose statue équestre du sculpteur Auguste Bartholdi et un exemple de langage du mythe puisqu'elle a été inspirée par le roman national promu par Napoléon III pour valoriser sa propre histoire personnelle et familiale (sans le moindre rapport objectif puisque la France n'a commencé à exister qu'un millénaire après Vercingétorix et que la famille Bonaparte était radicalement étrangère à l'ethnie celte, à sa langue et à sa culture, tout comme un précédent empereur, Charlemagne, qui appartenait au monde germanique mais qui a été intégré malgré tout  dans le roman national français... en omettant de préciser quelle langue il parlait).

 

 

Qu'est-ce qu'un mythe ?

 

Avant de proposer un tableau récapitulant les différences essentielles entre le langage du mythe et le langage de l'histoire, il convient de rappeler ce qu'est un mythe. Philippe Sellier, professeur émérite à la Sorbonne et critique littéraire, a bien résumé ce qu'était un mythe (notamment dans un article intitulé « Qu'est-ce qu'un mythe littéraire ? » paru dans le n° 55 de la revue Littérature en 1984) en reprenant quelques-unes des caractéristiques mises en évidence par l'anthropologue Claude Lévi-Strauss :

  • C’est un « récit fondateur ». « En rappelant le temps fabuleux des commencements, il explique comment s’est fondé le groupe, le sens de tel rite ou de tel interdit, l’origine de la condition présente des hommes. Placé hors du temps ordinaire, le mythe se distingue de la saga, où se décèle un ancrage historique ».
  • C’est un récit « anonyme et collectif, élaboré au fil des générations ». Ainsi, « le mythe atteint une concision et une force qui, aux yeux de certains mythologues, le rend bien supérieur à ces agencements individuels qu’on appelle littérature ».
  • C'est un récit qui se donne comme véridique : « le mythe est tenu pour vrai : histoire sacrée, d’une efficacité magique, récitée dans des circonstances précises, il est nettement distinct, pour ses fidèles eux-mêmes, de tous les récits de fiction (contes, fables, histoires d’animaux...) ».
  • C'est un récit qui relève du merveilleux : « les personnages principaux des mythes (dieux, héros...) agissent en vertu de mobiles largement étrangers au vraisemblable, à la psychologie "raisonnable". Leur logique est celle de l’imaginaire. Psychologisation et rationalisation marquent le passage du mythe au roman (Dumézil) ».
  • C'est un récit axiologique : « le moindre détail entre dans des systèmes d’oppositions signifiantes » (« pureté » et « force des oppositions structurales » mises en évidence par Lévi-Strauss).

 

 

Tableau récapitulant les différences entre langage du mythe et langage de l'histoire

  

  Langage du mythe Langage de l'histoire
Style langagier Épique et héroïque : laissant une large place à l'irrationnel ou à une croyance (les faits sont présentés comme magiques, émanant d'une volonté surnaturelle, par exemple celle de Dieu, ou du destin) Factuel : rationnel (les faits sont expliqués dans leur logique, dans leur enchaînement, en partant de causes naturelles et humaines, avec des  aspects en partie imprévisibles et incontrôlés)
Type de vision globale Un seul mouvement, qui réussit (pour fonder un ordre nouveau) ou qui échoue Plusieurs mouvements : des réussites et des échecs, des phases diverses voire opposées les unes aux autres
Axiologie Les faits apparaissent sans nuance : soit comme très positifs, soit comme très négatifs par rapport à des valeurs précises (liées à une nation, à une religion ou à un groupe social idéalisé) dans une logique binaire (bien/mal, réussite/échec...) Des faits complexes qui ne se sont pas forcément rapportés à des valeurs et qui sont difficiles à interpréter (cela demande beaucoup de recherches, d'analyses et de démarches interprétatives)
Acteurs (auteurs de l'action) Une entité abstraite (par exemple « le Peuple ») ou un personnage emblématique (le héros) qui fait l'objet d'un éloge voire d'une forme d'hagiographie Des groupes dont les caractéristiques sociales sont complexes (parfois contradictoires) et précisées (milieu socio-professionnel, localisation géographique précise, âge ou positionnement politique par exemple)
Utilisation des nombres Symboliques Donnés avec le degré de précision pertinent et présentés avec leur incertitude (sous forme de fourchette en général)
Temporalité Insistance sur des moments précis symboliques : censés tout résumer en un seul événement

Déroulement de nombreux faits qui ne donnent pas tous lieu à la même conclusion

Point de vue Un seul (ou deux nettement opposés) Multiples, avec toute une gamme de variations et d'oppositions sur des aspects divers
Évolution du récit dans l'histoire Établissement prétendu d'une vérité unique du passé Évolution constante vers de nouvelles connaissances grâce à de nouvelles découvertes (historiques ou archéologiques) ou à de nouvelles interprétations (diverses et débattues)
Iconographie Simplifiée, grandiose et romanesque Porteuse d'informations plus complexes ou inattendues

Séquences textuelles dominantes

 

 

Narration et description

 

 

Explication et argumentation

 

 

Pour aller plus loin : la persistance des mythes dans le monde moderne selon Mircea Eliade


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