Petite histoire de Marianne

 

L'allégorie de la République française n’est pas née en 1789 à Paris. Son histoire est particulièrement inattendue et riche en rebondissements.

 

Par C. R.

Publié le 22/02/2021

Dernière modification le 30/03/2022

Deux timbres-poste français des années 1980 (dits « du type Liberté », dessiné et gravé en taille douce par Pierre Gandon) : une Marianne inspirée par le tableau de Delacroix La Liberté guidant le Peuple.

D’abord… Marianno (en occitan)

 

Le prénom Marianne, au XVIIIe siècle, était généralement porté par des femmes du petit peuple, qu’il pouvait donc symboliser.

 

Néanmoins, la toute première occurrence attestée de ce prénom dans un contexte révolutionnaire se trouve dans une chanson de 1792 écrite en occitan – donc pas encore en français. On ne s’est d’ailleurs rendu compte qu’en 1976 du lien entre le personnage allégorique de Marianne et cette chanson intitulée La Garisou de Marianno – « la guérison de Marianne » – composée par Guillaume Lavabre, un cordonnier-troubadour de Puylaurens dans le Tarn.

 

À Paris, à cette époque, l’allégorie de la République n’avait pas encore de nom autre que… République.

 

 

Le bonnet phrygien d’une République encore anonyme

 

En revanche, le motif du bonnet phrygien – ressemblant au chapeau que portaient dans l’antiquité les esclaves romain affranchis – est apparu dès la Révolution française pour coiffer les allégories de la Liberté et de la République.

 

L'huile sur toile d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple, est un exemple célèbre de ce type de représentation allégorique, même si le personnage principal de ce tableau ne représente que la Liberté et non toute la République. En effet, son sujet est la Révolution de 1830, qui ne débouche justement pas sur un régime républicain mais sur la Monarchie de Juillet : le Bourbon Charles X est remplacé par le duc d’Orléans sous le nom de Louis-Philippe Premier.

 

Le prénom de Marianne n’a toujours pas de signification particulière à Paris à ce moment-là.

 

La couverture d'un bel ouvrage de Renée Grimaud sur Delacroix. On pense souvent que son œuvre monumentale, l'huile sur toile La Liberté guidant le peuple (260 x 325 cm, exposé au Musée du Louvre à Paris), représente Marianne ou une allégorie de la République française. En réalité, il s'agit uniquement de la Liberté, guidant le peuple vers... la Monarchie de Juillet incarnée par le roi Louis-Philippe Premier. Néanmoins, la figure de Marianne lui empruntera bien certaines caractéristiques le plus souvent : le bonnet phrygien, les seins nus et le regard déterminé.

 

 

De Mary Ann à Marianne

 

Le tout premier buste choisi pour matérialiser Marianne a été celui de la femme d’Alphonse de Lamartine, suite à un concours de circonstances. En effet, l’écrivain voyageait avec le buste de son épouse lorsqu’il est venu participer, en tant qu’homme politique, à l’Assemblée constituante qui devait mettre en place la Deuxième République, après la Révolution de 1848. Petit détail qui a peut-être son importance : son épouse, d’origine anglaise, se prénommait Mary Ann Elisa... Marianne, une Anglaise ?

 

Si Pierre Cambronne n'était pas mort six ans plus tôt, il aurait sans doute prononcé le célèbre mot qu'il avait adressé à Waterloo aux Anglais le sommant de se rendre. Si le général a ensuite nié l'avoir prononcé, Victor Hugo a plus tard consacré deux chapitres, dans Les Misérables, à Cambronne et au « plus beau mot peut-être qu'un Français ait jamais dit » (après voir terminé la lecture du présent article, vous pourrez écouter ces deux chapitres dans une lecture que je vous propose sur Youtube).

 

En tout cas, c’est bien cette année-là que le prénom Marianne a commencé à désigner la République française...

 

 

Couronne d’épis ou bonnet phrygien ?

 

Sous la Troisième République, en 1877, le buste de Marianne s’est installé dans chacune des mairies de France, là où avait trôné celui de Napoléon III.

 

À cette époque, elle était coiffée soit d’un bonnet phrygien, soit d’une couronne d’épis : un symbole un peu moins révolutionnaire donc plus rassurant pour certaines sensibilités politiques plus conservatrices. L’évocation de la déesse latine de la terre, Cérès, pouvait associer la patrie à une ruralité tranquille plutôt qu’aux révoltes populaires des grandes villes. Il y avait aussi la question des seins : nus ou cachés.

 

La figure de Marianne, ainsi déclinée sous des formes diverses, s’est alors répandue non seulement dans les bâtiments publics mais aussi sur les timbres, les pièces de monnaie, les documents officiels...

 

Deux timbres de la Poste française à l'effigie de Cérès : une version très conservatrice (faisant référence à l'antiquité et à l'agriculture, avec sa couronne d'épis de blés et sa grappe de raisins) de la révolutionnaire Marianne. Ils ont été mis en vente à des époques différentes : de septembre 1871 à fin 1873 pour le premier et d'avril 1939 à mars 1942 pour le second.

 

 

De Brigitte Bardot à Évelyne Thomas

 

Ce n’est qu’au XXe siècle que le bonnet phrygien s’impose de façon unique et définitive. D’ailleurs, la représentation devient alors épurée : sans aucun autre motif ou symbole annexe.

 

Néanmoins, le modèle vivant retenu pour donner ses traits varie. L’Association des maires de France, en particulier, a choisi successivement : Brigitte Bardot, Michèle Morgan, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve, Inès de la Fressange, Laetitia Casta et Évelyne Thomas.

 

 

 

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