Vingt figures de style

 

Voici vingt figures de style, connues ou importantes, avec leur définition, des explications simples et des exemples (littéraires et usuels).

 

Pour faciliter la compréhension et la mémorisation, ces figures de style ont été classées en six parties. Les cinq premières permettent des comparaisons aisées et éclairantes.

 

Par C. R.

Publié le 15/09/2021

Dernière modification le 06/11/2023

Tout comme les yeux peints qui personnifient ce bateau maltais (un luzzu dans le port de Marzaxlokk), les figures de style donnent de la vie, du relief et une beauté particulière aux textes qui véhiculent nos idées.

Métaphore, comparaison, allégorie, personnification

 

Une métaphore consiste à  remplacer un mot ou une idée par un(e) autre, avec lequel il a un rapport d’analogie (ressemblance), en faisant une comparaison implicite (sous-entendue). Cette représentation inhabituelle peut donner un sens nouveau en suscitant la réflexion ou en stimulant l'imagination.

  • Exemple usuel :

« La prime de fin d’année, c’est la cerise sur le gâteau. »

  • Exemple littéraire :

« Les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau »

(Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre, « Femme noire »)

 

Une comparaison, au contraire, est explicite, grâce à l’emploi de comme ou d’autres moyens (semblable à, faire songer à, tel...). Il s'agit de comparer ce dont on parle à autre chose pour obtenir une représentation plus spectaculaire.

  • Exemple usuel :

« Il était rouge comme une tomate. »

  • Exemple littéraire :

« Le ciel est comme la tente déchirée d’un cirque pauvre dans un village de pêcheurs »

(Blaise Cendrars, Prose du Transsibérien)

 

Une allégorie est une métaphore filée et animée (vivante) qui renvoie régulièrement à un autre univers (par exemple celui des idées abstraites). Comme elle est généralement vite identifiée, elle permet de communiquer plus facilement avec ceux à qui l'on s'adresse.

  • Exemple littéraire

« Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie ! »
(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « L’Ennemi »)

 

Une personnification consiste à voir ponctuellement (c'est donc le contraire d’une allégorie qui est durable) un être inanimé ou une abstraction comme un personnage réel. C'est plus inattendu, donc plus surprenant voire frappant.

  • Exemple usuel :

La jalousie est un démon qui s’empare de certaines personnes.

  • Exemple littéraire :

« Soleil, je te viens voir pour la dernière fois »

(Jean Racine, Phèdre, acte I, scène 3)

 

 

Métonymie et synecdoque

 

Une métonymie consiste à remplacer le nom d’un objet par le nom d’un autre, avec lequel il a un rapport de contiguïté (il est à côté, il va avec). C’est le cas quand on désigne le contenant par le contenu ou l’inverse (comme dans « boire un verre ») ou encore quand on désigne un objet par la matière dont il est constitué (si un personnage dit « fer » pour parler d’une épée).

  • Exemple usuel :

« Ils sont allés boire un verre. »

  • Exemple littéraire :

« Grenade et l'Aragon tremblent quand ce fer brille »

(Pierre Corneille, Le Cid, acte I, scène 3)

 

Une synecdoque consiste à remplacer le nom d’un objet par le nom d’un autre, avec lequel il a un rapport d’inclusion. C’est le cas lorsqu’on désigne un navire en disant « voile » ou la nourriture en général par le mot « pain ». Cela peut créer un effet de zoom sur la partie la plus importante de ce dont on parle ou de qui l'on parle (tout comme la métonymie parfois).

  • Exemple usuel :

« Cette femme, c’est une tête. »

  • Exemple littéraire :

« Mon bras, qu’avec respect toute l’Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? »
(Pierre Corneille, Le Cid, acte I, scène 4)

 

 

Anaphore, gradation, chiasme, antithèse, oxymore

 

L’anaphore consiste à reprendre les mêmes mots au début de plusieurs phrases, paragraphes, vers, strophes... Cela crée un parallélisme qui structure la représentation, qui favorise l'imagination ou qui induit un rythme poétique.

  • Exemple usuel :

« Il faut dire non à l’injustice ! Il faut dire non à l’exploitation ! Il faut dire non à l’ignorance ! »

  • Exemple littéraire :

« J’ai vu la plaine, pendant l’été, attendre ; attendre un peu de pluie. (...)

J’ai vu le ciel frémir de l’attente de l’aube. (...)

J’ai vu d’autres aurores encore. – J’ai vu l’attente de la nuit...

(André Gide,  Les Nourritures terrestres)

 

La gradation est une accumulation de plusieurs termes, qui surenchérissent à chaque fois par rapport au précédent. C'est une façon de rendre une explication spectaculaire et éloquente.

  • Exemple usuel :

« Il y a eu d’abord un tout petit bruit ; puis un grand claquement ; et, alors, tout d'un coup, un fracas... énorme ! »

  • Exemple littéraire :

« C’est un roc !… C’est un pic !… C’est un cap !…

Que dis-je, c’est un cap ? C’est une péninsule ! »

(Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, acte I, scène 4)

 

Un chiasme consiste à disposer symétriquement quatre éléments, équivalents deux à deux. Les rimes embrassées, par exemple, sont disposées en chiasme (ABBA). Cela peut donner le sentiment d'une logique implacable, par exemple.

  • Exemple usuel :

« C’est blanc bonnet et bonnet blanc. »

  • Exemple littéraire :

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »

(Jean de La Fontaine, Fables, « Les animaux malades de la peste »)

 

L’antithèse oppose fortement deux mots ou deux idées. Attention à ne pas confondre ce type d’antithèse avec la deuxième partie d’un plan dialectique en thèse / antithèse / synthèse (dans ce cas la figure de l’antithèse s'étale sur les deux premières parties de la dissertation : la partie thèse et la partie antithèse). Cela permet de marquer les esprits en mettant en valeur une opposition marquante.

  • Exemple usuel :

« Sa femme voudrait partir un mois en vacances ; mais lui, il veut rentrer chez lui au bout d'une semaine... »

  • Exemple littéraire :

« L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. »

(Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social)

 

L’oxymore ou oxymoron est une alliance de mots de sens opposé. Cela peut contribuer à faire vivre un imaginaire poétique qui déborde de la réalité habituelle.

  • Exemple usuel :

« Après sa question, il y a eu un silence assourdissant... »

  • Exemples littéraires :

« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles

Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles »

(Pierre Corneille, Le Cid, acte IV, scène 3)

 

« Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé

Porte le Soleil noir de la Mélancolie. »

(Gérard de Nerval, Les Chimères, « El Desdichado »)

 

 

Ironie, antiphrase, hyperbole, litote, prétérition

 

L’ironie est une figure qui repose sur un dédoublement énonciatif ; le locuteur exprime une idée tout en laissant entendre (surtout par l’antiphrase mais aussi par l’hyperbole et par d’autres moyens) qu’il ne l’assume pas du tout : il imite la façon de penser d’autrui pour s’en moquer. On associe souvent l'ironie au style de Voltaire dans ses contes philosophiques.

  • Exemple usuel :

« Ah ! Voilà ! Tu as réussi à faire tomber la tasse... Maintenant, elle est cassée... Bravo ! C’est de mieux en mieux ! Continue comme ça ! »

  • Exemple littéraire :

« Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale, que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l’université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler. »

(Voltaire, Candide, chapitre 6)

 

L’antiphrase consiste à dire le contraire de ce qu’on veut dire pour créer un effet. Nous avons vu que l’antiphrase était utilisée surtout pour l’ironie (les exemples que j'ai donnés pour l'ironie correspondent tous à des antiphrases). L'antiphrase est donc le procédé le plus courant de l'ironie (qui peut s'appuyer sur d'autres procédés pour faire comprendre que le locuteur se moque d'une certaine façon de s'exprimer ou de penser).

 

L’hyperbole est une figure fondée sur une exagération. Elle est parfois utilisée dans un sens ironique mais, dans les exemples qui suivent, elle a au contraire une fonction d'amplification pour traduire une émotion, par exemple face à un spectacle inouï.

  • Exemple usuel :

« Comme un ouragan qui est passé sur moi, l'amour a tout emporté » (chanson de Stéphanie de Monaco qui combine de nombreuses figures de style – sans pour autant rivaliser avec Victor Hugo... même si cette chanson est beaucoup moins naïve qu'elle ne le paraît quand on connaît son contexte et sa signification)

  • Exemple littéraire :

« Elle avait maintenant, au-dessous d’elle, les rayons du rez-de-chaussée, ce peuple de clientes épandu qu’elle venait de traverser. C’était un nouveau spectacle, un océan de têtes vues en raccourci, cachant les corsages, grouillant dans une agitation de fourmilière. »

(Émile Zola, Au Bonheur des Dames)

 

La litote est une expression atténuée, mais qui laisse entendre un sens beaucoup plus fort. C'est parfois une façon sobre et retenue d'exprimer une très forte émotion, presque indicible, par exemple un amour tragique. C'était une figure particulièrement appréciée par les auteurs du XVIIe siècle.

  • Exemple usuel :

« Je ne suis pas mécontent d’avoir remporté cette épreuve... »

  • Exemple littéraire :

« Va, je ne te hais point ! »

(Pierre Corneille, Le Cid, acte III, scène 4)

 

La prétérition consiste à prétendre ne pas dire ce qu’on est, en réalité, en train de dire. Il y a souvent une pointe d'humour, de malice narquoise ou de complicité dans l'usage de cette figure, appréciée au XVIIIe siècle et participant notamment aux jeux de masques et de miroirs langagiers du marivaudage...

  • Exemples usuels :

« Je ne vais quand même pas profiter de cet exemple pour vous inciter à prendre un cours avec moi en cliquant sur Prestations puis sur Contact ! »

  • Exemple littéraire :

« Moi qui vous parle, je me ferais un scrupule de vous dire que je vous aime, dans les dispositions où vous êtes. L’aveu de mes sentiments pourrait exposer votre raison, et vous voyez bien aussi que je vous les cache. »

(Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, acte III, scène 8)

 

 

L’hypotypose et la prosopopée

 

L’hypotypose est une description animée et vivante, comme si l’on avait sous les yeux la chose évoquée, notamment grâce à un détail frappant ou à une longue description. Le but est donc de faire vivre la scène qui est racontée.

  • Exemple usuel :

« J’arrive devant la porte de Victor... J’hésite à frapper.... Tu m'imagines ? Dis-toi qu’à ce moment-là, j’entends quelqu’un derrière moi... Je me retourne : c’était lui qui était en train de me filmer avec un sourire jusqu'aux oreilles. »

  • Exemple littéraire :

« Voici le fracas des chars allemands qui remontent vers la Normandie à travers les longues plaintes des bestiaux réveillés (…) »

(André Malraux, Discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon , 19/12/1964 : enregistement et transcription)

 

La prosopopée consiste à faire parler un être absent, imaginaire, abstrait ou disparu voire à s’adresser à lui comme s’il était là. Cela peut créer un effet ludique ou au contraire solennel.

  • Exemple usuel :

« Devinette : je suis un roi de France, j’ai fait construire le palais de Versailles, j’aime danser mais je suis autoritaire et j'ai tendance à me prendre pour un astre... Qui suis-je ? »

  • Exemples littéraires :

« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,

Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,

Est fait pour inspirer au poète un amour

Éternel et muet ainsi que la matière.

(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « La Beauté »)

 

« (...) entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle – nos frères dans l'ordre de la Nuit... »

(André Malraux, Discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon , 19/12/1964 : enregistement et transcription)

 

 

Encore deux figures : la stichomythie et la paronomase

 

La stichomythie est une partie d'un dialogue théâtral dont chaque réplique, très brève, compte au maximum un vers ou une courte phrase. Cela peut créer un effet de réalisme, d'agitation ou de combat verbal.

  • Exemple littéraire :

SCAPIN. Il ne le fera pas, vous dis-je.

ARGANTE. Il le fera, ou je le déshériterai.

SCAPIN. Vous ?

ARGANTE. Moi.

SCAPIN. Bon.

ARGANTE. Comment, bon ?

SCAPIN. Vous ne le déshériterez point.

ARGANTE. Je ne le déshériterai point ?

SCAPIN. Non.

ARGANTE. Non ?

SCAPIN. Non.

(Molière, Les Fourberies de Scapin, acte I, scène 4)

 

La paronomase est la figure de style fondée sur la paronymie, c’est-à-dire sur une alliance de mots qui se ressemblent. On peut l'utiliser de multiples façons : comme moyen de convaincre ou comme effet de rythme, voire pour faire entendre indirectement ce qu'on ne pourrait pas écrire, comme le fait Balzac avec malice, quand il montre sa virtuosité stylistique dans l'expression sophistiquée d'un réalisme olfactif très poussé.

  • Exemple usuel :

« Qui vole un œuf vole un bœuf ! »

  • Exemple littéraire :

« Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu'il faudrait appeler l'odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d'une salle où l'on a dîné ; elle pue le service, l'office, l'hospice. »

(Honoré de Balzac, Le Père Goriot)

 

 

Petit exercice d'application...

 

Vous pouvez vous amuser à identifier le plus possible de figures de style dans cet extrait d’un poème autobiographique de Victor Hugo (Les feuilles d'automne, 1831) : 

 

Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,

Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,

Et du premier consul, déjà, par maint endroit,

Le front de l'empereur brisait le masque étroit.

Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,

Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,

Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois

Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;

Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,

Abandonné de tous, excepté de sa mère,

Et que son cou ployé comme un frêle roseau

Fit faire en même temps sa bière et son berceau.

Cet enfant que la vie effaçait de son livre,

Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,

C'est moi.

(…)

 

 

Pour aller plus loin

 

Je vous recommande les ouvrages suivants, qui sont des valeurs sûres (de niveau universitaire) pour approfondir votre connaissances des figures de style et des techniques d'écriture littéraire en général :

 

→ Gradus. Les procédés littéraires de Bernard Dupriez (10/18)

 

→ Lexique des termes littéraires sous la direction de Michel Jarrety (Livre de poche)

 

Dictionnaire de rhétorique et de poétique de Michèle Aquien et Georges Molinié (Livre de poche, collection « Pochothèque »)

 

Bien sûr, il y a de très bons dictionnaires récents consacrés uniquement aux figures de style. La plupart sont plus faciles d'accès (par exemple pour l'enseignement secondaire) que les ouvrages précédemment cités.

 

Il ne vous reste plus qu'à choisir celui qui vous conviendra le mieux.

 

 

Vous trouverez aussi beaucoup d'autres ouvrages de référence sur une autre page de ce site.

 

 

 

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