La réunion du G20 de 2022 s’est tenue récemment à Bali avec comme projet d’éviter une crise économique consécutive à la pandémie du Covid-19, à la guerre russo-ukrainienne et à la pénurie énergétique qui en découle (avec un renchérissement du coût des transports qui assurent la fluidité des échanges économiques mondiaux).
Mais qu’est-ce que le G20 ? Pourquoi le G7 avait-il été créé longtemps avant et pourquoi a-t-il fallu le compléter par le G20 ?
Par C. R.
Publié le 16/11/2022
Dernière modification le 17/11/2022
Le G7 s'est constitué progressivement dans les années 1970 :
C'était à un moment où il était en effet nécessaire d’avoir une nouvelle forme de pilotage de la politique économique et financière mondiale.
La clé pour comprendre l’enchaînement des causes et des effets, ce sont deux dates : 1971 et 1973.
En effet, lors du premier G6 en 1975, il fallait réagir aux conséquences du premier choc pétrolier qui avait eu lieu deux ans avant, en 1973 : une grave crise énergétique et économique provoquée par une réaction des pays arabes à la victoire israélienne très rapide – grâce à l’aide américaine – dans la guerre du Kippour entre Israël et une coalition de plusieurs pays arabes menée par l’Égypte et par la Syrie. C’était rien de moins que la fin des Trente Glorieuses : la période de reconstruction puis de prospérité économique qui avait suivi la Seconde Guerre mondiale. L’économie mais aussi la vie quotidienne avaient été bouleversées. On avait alors découvert la nécessité de faire des économies d’énergie et l’industrie des transports, notamment, avait dû s’adapter en toute urgence suite à l’augmentation brutale des prix du pétrole.
1975, c’était aussi quatre ans après la fin du système monétaire international (1971) mis en place en 1944 lors de la conférence de Bretton Woods (qui avait aussi créé le FMI et la BIRD : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement) pour développer le monde libre : le dollar était dans cette période la seule monnaie convertible en or (une once d’or = 35 dollars) pour éviter une crise économique ; mais en 1971, le président américain Nixon craignait qu’il n’y ait plus assez d’or dans les réserves fédérales par rapport aux quantités énormes de dollars accumulées dans le monde. Il y avait donc un risque d’emballement des demandes de conversion qui videraient les réserves fédérales d’or. Nixon a donc rétabli un système de change flottant, sans parité fixe entre le cours du dollar et le cours de l’or. Ce changement fondamental dans le système monétaire mondial a d’ailleurs été en grande partie à l’origine de la réflexion sur une monnaie unique européenne (pour limiter les risques de crise monétaire).
Avec ce retour à un système monétaire mondial moins stable donc à une économie également plus exposée aux risques de crises, il fallait une coopération internationale plus régulière, d’où cette création du G6, devenu rapidement le G7 et, plus tard, le G8 (avec l'intégration de la Russie en 1997) puis de nouveau le G7 en 2014 (suite à l'annexion de la Crimée par la Russie).
Le G7, contrairement au G20 comme nous le verrons, a en effet été conçu comme un groupement des démocraties les plus industrialisées visant à faciliter la collaboration entre leurs gouvernements pour protéger et/ou guider l'économie mondiale. Il faut remarquer que tous ses membres sont situés en Europe et en Amérique du nord, sauf le Japon, seul pays asiatique représenté.
L’absence de la Chine (2ème économie mondiale en termes de PIB : le produit intérieur brut, autrement dit l'estimation globale de toutes les richesses produites en un an par le pays), de l’Inde (5ème économie mondiale en termes de PIB : presque deux fois plus que l’Italie ou que le Canada, par exemple) et de continents entiers a bien sûr fini par poser divers problèmes :
C’est en effet après les crises financières des années 1990 qu’un groupe élargi a été proposé par le Canada en 1999 : le G20.
Le G20 regroupe les... 19 pays dont l’économie est censée (nous verrons pourquoi j'emploie ce terme en pensant à certains pays européens qui en sont exclus) être la plus forte. S'y ajoute, comme au G7, une union politique et économique : l’Union européenne (UE).
Contrairement au G7, cette fois, des pays émergents font partie du G20 et tous les continents y sont représentés :
Il faut noter la présence de pays qui n'ont absolument rien de démocratique (malgré leur nom) comme la « République démocratique de Chine » (gouvernée par le dirigeant d'un parti unique pour une durée illimitée et sans contre-pouvoir), l'Arabie saoudite (avec une particularité rarissime et significative : le nom du pays intègre celui de la famille de dictateurs héréditaires : les Al Saoud) et bien sûr la Russie, exclue du G7 en 2014, mais toujours au G20 en 2022 (où elle a été représentée par le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov, Vladimir Poutine craignant sans doute soit une humiliation par mise à l'écart, soit une révolution de palais au Kremlin pendant son absence).
Cependant, on peut remarquer des absents de marque parmi des démocraties dont le poids économique est conséquent. L’Espagne (à peu près la 15ème économie mondiale, loin devant l’Argentine) est seulement invitée permanente du G20. Les Pays-Bas sont certes souvent invités mais pas toujours, même si le port de Rotterdam est le plus grand d'Europe, ce qui fait de ce pays une plaque tournante économique de tout premier plan (à côté des ports voisins d'Anvers et de Hambourg, ce dernier ayant d'ailleurs été vendu à la Chine par l'Allemagne). Il faut encore citer la Suède, dont la puissante économie est mise au service d'un modèle social particulièrement évolué. Cela dit, on peut aussi considérer que ces pays sont représentés de toute façon en tant que membres de l’UE – que d'autres très grandes puissances n'ont pas forcément intérêt à voir surreprésentée.
Pourtant, un autre pays européen, non-membre de l'UE et dont la puissance financière n'est plus à démontrer est également exclu du G20 : la Suisse (dont le PIB dépasse largement celui de l'Argentine et celui de la Turquie), qui n’en fait pas partie pour des raisons complexes (des critiques mutuelles et bien d'autres raisons, expliquées dans un article du quotidien suisse Le Temps) et peut-être parce que son admission poserait le problème de l'admission d’autres pays (Pays-Bas, Suède, Espagne...). La Suisse a donc dû profiter des bonnes relations qu'elle entretenait naguère avec la Russie pour se faire inviter au G20 de 2013 à Saint-Pétersbourg, tandis que les demandes auprès de la Chine n'ont pas eu le même succès en 2016.
Le G20 se rassemble en effet une fois par an, parfois deux, en passant d'un pays à l'autre, parmi ses membres.
Les pays participants sont représentés soit par leur chef d’État, soit par leur chef de gouvernement, habituellement accompagné par le ministre des finances et/ou de l’économie ainsi que par le gouverneur de la banque centrale.
L’UE est représentée par la présidente de la Commission européenne (actuellement l’Allemande Ursula von der Leyen) et par le président du Conseil européen (le Belge Charles Michel actuellement).
Il y a également des représentants de certaines institutions internationales : la directrice générale du FMI (la Bulgare Kristalina Georgieva) et le président du groupe de la Banque mondiale (actuellement l’Américain David Malpass) qui regroupe cinq organisations dont la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement).
On comprendra aisément que ce club de grandes puissances économiques qui regroupe 80 % du PIB mondial a un rôle majeur et qu’il faut absolument y être, d'où l'intense – mais vain – lobbying des conseillers fédéraux suisses qui a été évoqué précédemment, pour ne prendre que cet exemple.
Le G20 apparaît ainsi comme un club très fermé... et aussi très critiqué, notamment en tant qu'organe de décision supra-étatique donc non véritablement démocratique (surtout quand la Chine ou l'Arabie saoudite y ont une voix qui compte lourdement), pour une économie libérale qui peine à mettre fin aux dérives de la finance mondiale. Un indice montre peut-être le manque de prise en compte d'un développement équilibré : parmi les quinze pays qui bénéficient du plus haut IDH (l'indice de développement humain, qui prend en compte le PIB par habitant, l'espérance de vie à la naissance et le niveau d'éducation), il n'y en a que trois qui siègent directement au G20.